Monday, July 7, 2008

La gargouille et le Web

***Note : Cette histoire est une traduction d'un billet affiché en février. L'anachronisme sera évident (parler d'édentés devenus golfeurs), mais bon, tant pis. Genre.***

Ma Gargouille passe généralement le plus clair de son temps dans la cuisine avec ses cordes. Quand je le libère de sa geôle le matin, il se lève, nettoie la cage et se met à frotter du chanvre entre ses cuisses. Sa productivité en a cependant pris un coup récemment car il a découvert l’Internet (il a tenté de me cacher son nouveau passe-temps, mais les flaques laissées sur et autour de l’ordinateur l’ont trahi).

Il a maintenant des profils sur des sites web qui lui permettent de rencontrer et discuter avec des gens de partout dans le monde. En trois semaines, il s’est fait plus de 300 amis sur Facebook, en dépit du fait qu’il est pratiquement illettré en tout langage moderne. On dirait qu’il n’a qu’à appuyer sur la barre d’espace toutes les deux ou trois lettres pour communiquer avec cette génération analphabète de messagers instantanés.

Par exemple: urg 5d fr dse tor nn

…signifie manifestement qu’il cherche à rencontrer une femme ichtyophile, de petite stature, possédant un coupe-bordure électrique et qui aime le kayak.

Il ne cesse, depuis quelques jours, de marteler mon clavier en communiquant avec une jeune demoiselle débile de Londres. J’ai lu ses historiques de conversation et ai constaté qu’ils avaient « webcammé ». Elle aime ses oreilles poilues, et voudrait « sentir ses griffes lui érafler le dos ». Cela démontre bien que n’importe qui peut se trouver une âme complémentaire en y mettant l’effort requis. Je suis juste un peu envieux que ma « mignonne petite boule costaude à la langue goulue » (citation directe provenant de la tartine britannique) obtienne plus d’attentions du sexe mollâsque que moi.

*soupir*

Ils ont planifié une rencontre pour le printemps. Elle adore le hockey sur glace et voudrait traverser l’Atlantique pour atteindre la Mecque des amateurs de ce sport afin d’y voir les séries éliminatoires. C’est assez ironique car Gargy n’a aucune idée d’à quoi ressemblent les pousse-rondelles édentés (le hockey est banni de ma demeure. Oui, je suis un traître à la culture québécoise). Je me demande à quel point je serai responsable si par malheur elle laissait aller ses chaînes en plein centre Bell et qu’il se mettait à zinguer Youppi!*

Je doute que ces préoccupations rejoignent beaucoup de mes lecteurs.


*soupir*

*Je me dois de préciser que je suis le plus grand partisan des Expos de l’histoire de l’humanité. L’été dernier, j’ai réussi à obtenir l’autographe de notre mascotte orangée (ainsi que celle d’André Dawson :D) au cours d’une partie de baseball à l’amiable, dont les revenus allaient à une œuvre caritative. La logique de narration m’oblige à conserver mon ton cynique, mais j’ai été en pamoison avec la grosse bibitte rouquine depuis mes premiers pas. Qu’il porte maintenant le chandail des Canadiens m’est d’une douleur insoutenable.

Tuesday, July 1, 2008

La Marquise

Au cours des mois qui ont suivi mon retour d’Europe de l’est, d’où j’ai ramené une gargouille et découvert que le p’tit enculé vert faisait de TRRRRÈS belles cordes, j’ai été projeté cul par-dessus tête dans un monde de chaînes, de fouets et de chanvre roumain. ET, comme vous avez très certainement pu en déduire de mes messages précédents, je suis un tantinet inconfortable avec l’idée que l’intimité d’un couple puisse offrir autre chose que ce que j’ai appris d’un documentaire qui nous a été présenté en classe de cinquième année et qui impliquait des interactions apiaires-aviaires.

J’ai depuis réalisé que j’étais enfoncé jusqu’aux yeux dans la marrr… dans des affaires sales et aromatiques.

Une femme très charmante, et généreusement pourvue m’a approché il y a quelques semaines en vue de vendre mes cordes dans sa boutique. Celle-ci est située dans le Village, un endroit que les gens normaux et dévots évitent comme si l’immortalité de leur âme était en jeu (car elle l’est). Un endroit où les hommes (et certaines femmes, viles et libidineuses) forniquent ouvertement dans la rue, dans une manière qui défie toute description humaine. Enfin, c’est ce que disent les gens de mon entourage qui ont eu l’audace de s’aventurer à l’est de la rue Beaudry.

Et maintenant, je dois, de mon plein gré, aller livrer mes produits dans cette zone sacrilège.

La Marquise, comme je l’ai baptisée (ouf. Un baptême de feu satanique sans doute), m’a accueillie dans son enceinte de la dégradation humaine.

Bien qu’en apparence un endroit joli, propre et bien éclairé, le magasin propose des objets de cuir, de latex et d’acier qui m’ont amuï et rendu carmin jusqu’aux oreilles.

Madame la Marquise m’a chaleureusement accueilli. Elle m’a présenté son copain, dont la finesse d’esprit est presque intimidante (en moins de trois minutes, j’ai réalisé que le gars avait étudié dans les meilleurs, bien que très énigmatiques, instituts de sciences de l’Europe ancienne).

Nous avons discuté des termes de notre entente et elle m’a inondé de questions relatives à ma vie depuis l’adoption de mon vert compagnon. J’ai tenté de dissimuler la nausée causée par les objets de débauche parmi lesquels je me trouvais et j’ai répondu de façon la plus détachée que possible.

Elle a présumé que j’étais de leur « milieu » et m’a entretenu de banalités à propos de l’entretien du cuir. Puis elle a fait une remarque, qui reste inconfortablement ancrée dans ma fragile psyché : « tu sais, il y a teeeeeellement de gens qui se prennent au sérieux dans la Communauté. Comment peut-on être hautain alors qu’on s’excite à l’idée de se rentrer diverses choses dans le… »

J’ai eu un haut-le-cœur.

Elle a tout de suite eu pitié de moi et a envoyé sa moitié chercher une serviette humide pour me ragaillardir, présumant que j’avais récemment subi une session particulièrement exigeante avec une femme à la morale douteuse. Il s’agit apparemment d’un des effets secondaires qui peuvent apparaître quand une Maîtresse ne remplit pas assez sérieusement son rôle de donneuse de soins « d’après-séance ».

Mon esprit désespéré a soudainement eu l’inspiration du siècle : j’ai balancé le sac réutilisable (eille, même les capitalistes peuvent être soucieux de leur impact environnemental) rempli de cordes de chanvre de première qualité derrière le comptoir et j’ai fait la révérence vers son imposante et luisante poitrine blindée de caoutchouc, lui souhaitant une bonne soirée tout en lui expliquant que je devais filer car ma Déesse avait exigé mon retour dans le quart d’heure, me menaçant d’une nuit dans le pilori si j’avais l’impertinence de déroger à ses ordres.

Elle a tout gobé. La morale (trouvée en me baignant dans une mer d’amoralité) de cette histoire est qu’adopter une gargouille vous mène en de bien mauvais endroits. Également, il faut rester loin des gros totons, peu importe l’attrait des récompenses qu’ils promettent.

Cette leçon me suivra à jamais.